Toutes ces éditions de luxe de la Relève - et pas une du Songe pour laquelle je ferais tant de sacrifices, puisque je ne puis trouver une originale! Pourquoi aucun éditeur ne pense-t'il à ce Songe si merveilleux? Qu'au moins Grasset nous en donne une édition acceptable, dans vos oeuvres complètes il faut le lui dire! [Réédition chez Grasset en 1930]
Il y a de ces périodes de solitude, d'abandon! On sait bien qu'on vous aime, "au fond", de loin, que tout cela est provisoire, que rien n'est perdu. Il en reste, un tel détachement de tout! Il n'y a qu'une chose de très vivante en moi, c'est mon immense amitié pour vous.
Vendredi soir
Qu'elle longue, longue, terrible journée! Journée de pluie, de nostalgies, d'angoisses. Pourquoi, à certains jours, toutes ces choses hostiles, qui se lient, nous assaillent à la foi, des choses qui sont, toujours, mais tapies, inoffensives, à d'autres moments? Il est atroce de subir cette ruée. Si longue journée, où il y a eu place pour tout cela, et pour des sentiments sublimes aussi!! J'ai cousu, j'ai lu (la moitié d'Eugénie Grandet) et ce soir , j'ai pleuré en relisant Le Songe. Un jaillissement de choses telles qu'on ne peut plus les dire ni les écrire ... Qu'à la centième lecture et six ans d'écoulés depuis la première, les pages de ce livre me secouent encore dans toutes mes fibres, si fortement, me fassent encore pleurer de désarroi, d'admiration, d'émotion! quelle est votre puissance sur les êtres, et que misérables sont ceux que vous laissez indifférents, quelle nausée de l'humanité larvaire, quand on sort de cela...
*Mais l'égoïsme de chacun suivant son chemin, son ordre, tentant "d'arranger sa vie" - quelle pitié, mon dieu! quelle impuissance! on aime bien les amis, mais "par dessus" "O mes amis, il n'y a pas d'amis!"