Lettres à Robbie.
Travail de préparation par Mariette Lydis.
Des pages extraites d'un livre déréglé, rassemblées dans une chemise faite d'une simple feuille d'épreuve de gravure, marquée au dos «OSCAR WILDE».
C'est le témoignage d'une étude d'illustrations de Mariette Lydis sortie de mes boites d'archives. La présence d'une plaquette pour « the American British ART CENTER » de New York avec le programme des expositions de la saison 1941-1942 pourrait indiquer que le début du travail date de l'arrivée de Mariette Lydis à Buenos-Aires et de sa réception par l'ambassadeur d'Angleterre lors de son exposition à la Galerie Müller.
Les pages sont extraites d'une édition de Madrid 1929 et concernent le volume XII, le dernier, des œuvres complètes de Wilde « Obras escogidas » :les lettres inédites. (*1)
Mariette en 1940, venait juste d'arriver en Argentine. Elle découvrait probablement la langue et peut-être avait-elle été tenté, pour apprendre l'espagnol, de se procurer dès les premiers mois un ouvrage de ce genre.
La lecture de ces lettres pouvait correspondre à l'état d'esprit dans lequel se trouvait Mariette, éloignée de son amie Erica Marx qu'elle avait laissée à Winchcombe et alors qu'elle écrivait des phrases émouvantes dans son journal.
Comme à son habitude, on trouve les lignes soulignées pendant la lecture, quelques pages marquées d'une croix (normalement celles retenues finalement pour les illustrations parmi celles qui l'inspiraient le plus).
Comme nous ne connaissons pas de séries de dessins liés aux lettres d'Oscar Wilde, nous nous contenterons de reprendre les textes. Nous les rapprocherons par la suite de la version Gallimard de 1966. (*2)
Cette correspondance avec Robert Ross (Mi querido Robbie) est produite par Wilde lorsqu'il est emprisonné à Reading suite à sa condamnation pour atteinte aux bonnes mœurs, séparé de son épouse et de ses enfants, puis dans son refuge en France près de Dieppe à Berneval-sur-mer avant d'en être chassé par l'ennui, et rejoindre Bobbie à Naples et d'aller finir sa vie à Paris. (*3) J'indique les têtes de chapitre et les numéros de page, le lieu et la date de celles contenant des phrases soulignées elles-mêmes en gras , du livre espagnol de 1929, (texte de la traduction espagnole de Carmen de Mesa, sélection et notes de Ricardo Baeza).
Lettres de la prison de Reading sept 1896 (Gallimard: novembre)
- P33 Parece como si me hallase mejor en mucas respectos, y voy a ponerme a estudiar el eleman. Realmente, la carcel me parece el lugar adecuado para un estudio semejante. Enfin je vais entreprendre l'étude de la langue allemande; il me semble que je sois ici dans l'endroit tout indiqué pour ce travail.
- P34 Mi tragedia ha durado demasiado tiempo; su apice pasoya; su su desenlace es mezquino, y de sobra se tambien que, cuando llegue el fin, volvere como un visitante importuno a un mundo que ne me necessita. Ma tragédie personnelle a beaucoup trop duré, son point culminant est passé, son dénouement est plat et je suis pleinement conscient du fait que, lorsque ce dénouement se produira, je reviendrai en visiteur importun dans un monde qui n'a aucun besoin de moi.
- P35 En ciertos lugares, nadie, sino los locos, tienen permiso para reir ; y, aun en el caso de los locos, es una infraccion al reglamento ; de otro modo, creo que podria reir... En certains lieux nul n'a la permission de rire, excepté ceux qui sont véritablement fous et encore, même dans leur cas, c'est une infraction au règlement; sinon, je crois que je pourrais en rire...
- p40 … Huelga decir que éste no debe salir de tus manos, pero podrias conseguir que Mrs. Marshall te enviase una de sus dactilografas - las majeres son las mas indicadas para estos casos, pues carecen de toda memoria para las cosas importanctes - a Hornton Street o a Phillimore Gardens, para hacer esta copia bajo tu vigilencia. Te aseguro que la màquina de escribir, tocada con expresion, no es màs molesta que un piano tocado por una hermana o una parienta cercana. A decir verdad, muchos aficionados al hogar doméstico la prefieren al piano. Je vous assure que la machine à écrire, si l'on en joue avec expression, n'est pas plus désagréable à entendre qu'un piano quand c'est une soeur ou une proche parente qui en joue. A vrai dire, un grand nombre de ceux qui sont le plus attachés à leur foyer préfèrent même son bruit à celui du piano.
- P41 A decir verdad, Robbie, la vida de la prision nos hace ver las personas y las cosas como son en realidad. Y esto es lo que le convierte a uno en piedra. A vrai dire Robbie, la vie de prison vous fait voir les personnes et les choses comme elles sont réellement. C'est pourquoi cette vie vous transforme en pierre.
- P42 Vivimos porque nos expresamos. Entre las muchas y muchas cosas por las cuales debo dar gracias al Director, ninguna le agradezoo màs que este permiso para escribir a mis anchas y con la extension que se me antoje. Durante casi dos años, he llevado dentro de mi un peso creciente de amargura, del que me he libertado ahora en gran parte. Al otro lado del muro de la prision, ay unos pobres arboles, emegrecidos por el hallin, que se disponen a cubrirse de brotes y retonos de un verde casi penetrante. Yo se bien lo que les sucede : estan encontrando su expresion. Sempre tuyo, Oscar Nous vivons parce que nous nous exprimons... De l'autre côté du mur de la prison, quelques pauvres arbres noircis de suie sont en train de se couvrir de bourgeons d'un vert presque perçant. Je sais parfaitement ce qu'il leur arrive: ils trouvent leur expression.
- P43 … me voy acercando a ese equilibrio de espiritu en que se piensa que todo lo que sucede es para bien. Je puis dire en toute sincérité que j'en arrive à cet état d'esprit où je pense que tout ce qui m'advient est pour le mieux.
- XXV Châlet Bourgeat Berneval-sur-mer
- p97 (20 de julio 1897) los titulos no sirven mas que para cuestiones hereditarias.
- P105 (Beneval Martes, 24 de Agosto) Yo tampoco le he escrito ; estoy indignado con él por su merquindad y su folta de imaginacion. Je suis profondément peiné par sa mesquinerie et son manque d'imagination. (*4)
- P110 la note *** de la lettre à Robbie Hôtel Royal des Etrangers Napoles (Martes , 21 septiembre de 1897) Comprendo que seré desgraciado en muchas ocasiones, pero le quiero aùn, y quizàs precisamente porque ha destruido mi vida. « Je t'aime parce que tu m'as perdu »**, es la frase final de un cuento de Anatole France que figura en el libro Le puits de Sainte Claire ***, y es una terrible verdad simbolica. (*5) Gal Page 312: Certes, je serai souvent malheureux, mais je l'aime encore: le simple fait qu'il ait ruiné ma vie me porte à l'aimer. "Je t'aime parce que tu m'as perdu" est la phrase qui termine un des contes du Puits de Sainte Claire - le recueil d'Anatole France- et c'est une terrible vérité symbolique. note "L'Humaine Tragédie" 1895. http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k65906z/f13.image.r=anatole%20france%20puits%20humaine%20tragédie.langFR
- *** En efecto, el ultimo capitalo, El Principe del Mundo, de la seccion titulada La Humana Tragedia, termina con esta palabras, todas las cuales diriase tienen aplicacion a Wilde en este caso : « Y Giovanni contemplo a su comparñero, hermoso como el dia y la noche. Y le dijo : « Por ti sufro y es a ti a quiem amo. Te amo porque eres mi miseria y mi orgullo, mi alegria y mi dolor, el esplendor y la crueldad de las cosas, porque cres el deseo y el pensamiento, y porque me has heche semejante a ti. Pues tu promesa en el Jardin, alla en el alba de los dias, no era vana y he probado el fruto de la ciencia, oh satan ! » Y aùn dijo Giovanni : « Sé, veo, siento, quiero, sufro. Y te amo por todo el mal que me has hecho. T amo porque me has perdido ». E inclinandose sobre el hombro del àangel, el hombre lloro. (Le puits de Sainte Claire, 1895, p. 244). Giovanni (à Subtil ...) "Je sais, je vois, je sens, je veux, je souffre et je t'aime pour tout le mal que tu m'as fait. Je t'aime parce que tu m'as perdu" et en se penchant sur l'épaule de l'ange, l'homme pleura.
- p123 XLIII (Villa Giudice, Posilippo Lunes 15 nov 97 ou 8 nov ) (*6) Por Reggie he terrido noticias de tu discusion con cowley. Cuéntame detalles, pues me divierten mucho las originalitasdes de los burros. Gal p349 J'apprends par Reggie vos "assauts d'esprit" avec Crowley! Dites-moi tout ce que vous savez de lui. J'adore les détails sur les ânes.
- P125 XLIV (16 nov 1897) Las gentes le trazan a uno planes de vida razonbles, bellos y sensatos, a los cerales solo se puede reprochar una cosa : que son muy apropiados para ellas. Vous savez quels beaux, sages, et intelligents programmes de vie les gens vous proposent; vous n'avez rien à dire contre eux, sauf qu'ils ne vous conviennent pas.
- P 127 XLV (? 7 oct 1897) Villa Giudice. Smithers sabe distinguir cuando se trada de malos vinos y malas mujeres, pero en cuestion de libros no es mas que un triste obrero. Smithers s'y entend parfaitement en vins de mauvaise qualité comme en femmes de mauvaise vie; mais, en question de livres, il est tristement incompétent.
- P132 (villa Giudice 24 nov 1897) … ; y, si es posible mejorar un verso que esté bien, es puento menos que imposible mejorar uno malo. Le récit est donc amélioré, bien que la poésie ne soit pas bonne; mais s'il est possible de corriger une bonne strophe, il est presque impossible d'en corriger une mauvaise.
- P137 6 dec 1897 …, creo que soy un problema sin solucion. ... - et, comme je l'ai dit à More, je crois être un problème pour lequel il n'est pas de solution.
*1 Biblioteca Nueva, Madrid, 1929. Colección Obras Escogidas, (vol. XII) 297 pg. 8º Establecimiento Tipografico de El Adelantado de Segovia.
Il s'agit d'une première édition des lettres préparée par Robert Ross lui-même mais interrompue par son décès en 1918, et reprise en édition de deux petits volumes "After Reading" en 1921 et "After Berneval" en 1922 de respectivement 27 et 30 lettres, Ricardo Baeza lors de la traduction fit ici en complément des œuvres complètes la première édition de ces 94 lettres.
*2 L'édition Gallimard parue en 1966, en deux volumes, est la traduction d'un énorme travail de Rupert Hart-Davis: "The Letters of Oscar Wilde" , 1962.
*3 Décès de Wilde : Hôtel d'Alsace Paris ("L'Hôtel" 13 rue des Beaux Arts), 30 novembre 1900.
*4 Cette lettre datée du 24 Août, qui annonce la fin de l'écriture du poème sur la captivité à Reading, a dû avoir une saveur particulière pour Mariette qui constatait que c'était le jour de son dixième anniversaire. L'exemplaire que je conserve est une édition de 1942 illustrée par Dignimont et présentée par Mac Orlan. L'auteur qu'elle avait bien connu à son arrivée à Paris en 1926 lui a dédicacé cet exemplaire en 1947, il écrivait cette préface au même moment où Mariette Lydis explorait les correspondances! Elle qui croyait beaucoup aux signes de la providence comme en témoignent ses ouvrages, "Le trêfle à Quatre Feuilles" en particulier, ou ses gravures "Carte du tendre", "Table des destins", a dû apprécier ces coïncidences.
*5 A l'intérêt de Mariette Lydis pour la note du traducteur, on peut remarquer qu'elle avait probablement lu la version anglaise des dernières lettres de Wilde, et peut-être pris connaissance d'une des versions illustrées des contes d'Anatole France sous le Titre "Le puits de Sainte-Claire":
•Michel Lévy, Paris, 1895. In-12 55 exemplaires numérotés sur papier de Hollande, seul tirage sur grand papier avec 30 exemplaires sur japon.
•Edition publiée en 1903 par Charles Carrington. Fort in-8, 304 pages ; exemplaire enrichi de 21 eaux-fortes réalisées par Martin Van Maele (1863-1932), dont une en frontispice. 330 exemplaires numérotés sur velin du Marais.
•Paris Le Livre Contemporain 1908 Grand in-8. 42 eaux-fortes originales de Tigrane Polat, dont un frontispice, une vignette de titre, 16 hors-texte et 24 entêtes et culs-de-lampe. Tirage unique limité 121 exemplaires numrotés sur vélin.
•Ferroud 1925 In-4 (20 x 27,5 cm) relié. Livre illustré par Georges M. Rochegrosse, en couleurs, nombreux Hors-Textes couleurs sous serpentes, têtes de chapitres, lettrines, culs-de-lampes, 233 pages pour ce tirage du recueil de contes d'Anatole France. Tirage total à 650 exemplaires numérotés, dont 470 sur Vélin d'Arches.
*6 Oscar avait rejoint Bobbie (Lord Alfred Douglas) à Naples et ils logeaient dans la villa Giudice au 37 rue Posillipo sur le magnifique coteau dominant le port.