Exposition à la galerie de Buenos Aires du 17 XI au 17 XII MCMLX
Au dos du catalogue ce texte de Jules Supervielle (*): A Mariette Lydis.
VISAGES
Quand il s'agit de recueillir
La souffrance et la contenir
Le visage de l'homme est grand
Et plus profond que l'océan.
Plus haut que les hautes montagnes
Il est grand à n'en plus finir
Et de ce front à ce menton
On peut loger commodément
Mille lieues carrées de tourment,
Le tout dans un petit moment.
Point besoin ici de fourrier
Pour préparer l'hébergement
Le malheur peut toujours entrer
Il est reçu royalement
Avec du sang frais à l'abreuvoir.
Même ce tout jeune visage
Peut contenir par temps de guerre
Tout le carnage et le tapage
Qui s' étale au loin sur la terre
Et même sans sortir des yeux
En se tassant un petit peu
On trouvera bien de la place
Pour tous les malheurs de l'espace.
"Pitié pour la femme et l'enfant
Et pour l'homme et le chien errant
Et pour tout cœur en mouvement
Sous l'immense ciel rugissant"
C'est votre prière, Mariette,
La prière que rien n'arrête
De votre parlante peinture
D'où toujours s'élève un murmure,
Dans le plus grand recueillement.
* Mariette Lydis avait choisi d'illustrer l'Enfant de la Haute Mer.