Lorsque je commande un livre ancien chez un libraire sur internet ou par catalogue, la mention "envoi de l'auteur" est toujours un attrait supplémentaire, on anticipe l'émotion de la connaissance de l'écriture, du destinataire, de l'expression plus ou moins banale ou affectueuse.
Une autre mention peut parfois surprendre "non coupé", là on se perd en conjectures, est-ce un fonds de libraire ou d'éditeur invendu, est-ce un lecteur boulimique qui a négligé quelques ouvrages de sa bibliothèque par trop encombrée, ou comme je l'ai lu récemment dans un blog, un lecteur découragé par une critique avant même d'avoir ouvert le livre.
Mais cette particularité se trouvera de moins en moins puisque les livres sont depuis longtemps déjà "massicotés" et que les éditions brochées et non coupées ont dû se terminer dans les années 50. Je note cette information sur le livre de poche* créé dans les années 1950, Folio chez Gallimard et 10/18 chez Plon. "C'est un bouleversement. Maurice Bourdel, le président de Plon, est incrédule quand Paul Chantrel lui annonce que les pages des livres de 10/18 seront coupées."
*(cette référence au numéro 523 du 30-08-2012-56022 du magazine-litteraire dans l'article "fleurons-du-poche" d'Olivier Cariguel n'est plus accessible)
Est-ce un atout qui donne de la valeur au livre si on le collectionne? Peut-être est-ce une garantie de propreté, de non altération: pas de taches, pas d'annotations, ce que je comprends parfaitement pour une bouteille de vieux Bordeaux, je n'en ressens pas vraiment l'intérêt pour un ouvrage surtout de collection.
Alors quel malaise, quelle gène à la réception d'un ouvrage, comme je viens de les ressentir à l'ouverture du petit colis reçu ce matin: un livre d'autobiographie (de 1951) dédicacé et ... "non coupé".
Donc le "Bien sympathiquement" envoi de l'auteur n'a pas décidé à la lecture. Même pas quelques pages, peut-être le parcours des quelques feuillets de tête des cahiers a-t'il suffit au récipiendaire pour juger de l'intérêt de l'ouvrage ou peut-être a-t'il aperçu ce jugement de l'auteur à propos des amis de son célèbre père "La cordialité qu'ils me témoignaient m'apparaît aujourd'hui comme la preuve de ce qu'il y avait de superficiel et même d'affecté dans la rosserie dont ils se targuaient volontiers." et à propos d'Octave Mirbeau "Quelles canailles que les honnêtes gens!" disait il souvent.
Ce qui me surprend c'est toujours de recevoir ces livres "non coupés", ni même par les libraires qui les ont manipulés, catalogués, commentés, peut-être jamais lus, mais marqués "non coupé", mais c'est aussi un plaisir pour moi justement de les couper.