[lettre dactylographiée, signée]
Paris, le 29 décembre 1969.
25, quai Voltaire.
Madame Mariette Lydis
Cerrito 1278
Buenos Aires.
Chère Amie,
Je reçois votre lettre de vœux, ainsi que les très beaux documents que vous m’envoyez, qui me
montrent à quel point
vous êtes appréciée en Amérique du Sud.
Vous avez raison de me dire à ce propos un mot un peu amer sur la France. Vous savez quels
sont les peintres qui sont
exaltés jusqu’à l’apothéose en France. Il vaut mieux que nous n’en disions pas plus, car c’est un jugement général sur la
France qu’il faudrait porter et que je ne veux pas porter. Mais je n’en pense pas moins.
Je n’ai pas pu poursuivre l’idée d’une collaboration avec vous pour Les Garçons à cause des complications vraiment terribles
qu’auraient causées l’envoi des pierres et aussi toute la correspondance à échanger au sujet d’un pareil projet, et en passant
quelquefois par un intermédiaire. Vous savez bien que si vous aviez été à Paris la chose aurait été faite tout de suite.
Les
garçons paraitront dans une édition à 350 exemplaires, en deux volumes sous même emboitage, avec soixante lithographies
originales en pleine page d’Edouard Mac’Avoy, éditées par un pool, étant donné la mise de fonds nécessaire, quarante millions
d’anciens francs, paraît-il. Le volume sortira à l’automne 1971.
Je suis actuellement dans les répétitions de Malatesta, qui sera donné à la Comédie française le 28 janvier, et d’une Tournée
Karsenty de La Ville dont le prince est un enfant, pendant qu’une autre troupe continue d’interpréter la pièce à Paris, où elle a
atteint sa 750° représentation. Jean Meyer en a tiré aussi un film, que vous verrez peut-être à Buenos-Aires, mais pas avant 1971.
Je regrette beaucoup que vous ayez quitté l’Europe, et vous n’avez cessé de me manquer ;
nous aurions continué de collaborer
ensemble, et nous aurions dit entre quatre murs ce que nous pensons de la peinture que l’on impose aux Français.
Je vous envoie mes meilleurs vœux et mes meilleures amitiés.
Henry de Montherlant
Signé Montherlant