Ce texte est la préparation de l'édition par Mariette Lydis des correspondances
quelle préparait en 1960, jusqu'à une lettre où Montherlant lui demandait de n'en rien faire. Cinquante ans après, il serait temps de donner ces informations pour rectifier bien
de mauvaises interprétations de la conduite de l'un comme de l'autre.
MONTHERLANT
Comment est Montherlant ?
Combien de fois m’a-t-on posé cette question, car Montherlant est invisible, inaccessible, entouré de légendes, de
mystère.
Son téléphone est dressé, il a des journées interdites – il n’est pas un moyen de communication – plutôt le contraire. Montherlant
habite une forteresse.
Montherlant m’invite à dîner. J’arrive Quai Voltaire à huit heures. Le domestique m’introduit dans la pièce que je connais, froide, pleine de statues romaines, vide de tout confort. Mon préféré un masque troué de guerrier.
Le domestique est un long type qui s’appelle de Monthéri malgré qu’il soit russe. Il se qualifie au téléphone comme « Ordonnance de M. le Comte ». Montherlant commente : « et voilà les gens qui me détestent qui doivent dire « il a dressé son domestique comme s’il était général ». Au début, il y a dix ans, à peine entré à son service, il demandait « M. le Comte moi pouvoir faire pipi ? » à la suite Montherlant l’engage de le faire sans autorisation.
Quelle vue noble celle de ses fenêtres sur le Louvre au-delà de la Seine ! Quel calme, cette fin de journée au mois d’Août !
Montherlant ne ressemble à personne, ni physiquement et encore beaucoup moins dans sa personnalité. Les soirées avec lui – car grands travailleurs lui et moi, nous ne nous permettons le luxe de nous rencontrer qu’à la fin du jour.
Je sens avec lui une liberté de parole dans tous les domaines comme avec personne. Son grand esprit libère des restrictions que l’on a besoin de s’imposer généralement. La qualité multiforme de son esprit étonne toujours à nouveau. Sa conversation produit une étincelle, une vibration inégalable ; on devient plus intelligent à son contact. C’est comme si des régions en vous s’éclairaient, qui, généralement, étaient restées dans l’ombre. Tout cela malgré une apparente sécheresse, une distance qui le font paraître rêche et infléchissable. En plus, lui, que l’on appelle cynique, ce qui devrait être traduit par pudique, pudeur du sentiment de ceux qui sont ultra sensibles, ultra-vulnérables, lui, que l’on appelle égocentrique et Dieu sait qu’il l’est, cependant est le seul être, qui sache écouter avec respect, intérêt, concentration et mémoire.
Combien de fois l’ai-je entendu dire : je me souviens de ce que vous m’avez raconté il y a dix ans. Qu’elle est la personne
qui se souvient de ce qu’on lui a dit, il y a dix ans ?
Espèce de déité en acier, indépendant de tout contact humain, il n’a besoin de personne.
Sa franchise, sa clarté de jugement sur le monde et sur lui-même sont désarmantes.
Pour tous ceux qui aiment ce prestigieux auteur, écrivain de première ligne, je transcris ici des passages de notre correspondance, suivi de deux lettres qui lui ont été adressées par des inconnues.