Père de Elizabeth Julie Hyacinthe qui épouse Joseph Guadet à Paris 10° le 22 janvier 1831, Azaïs a du faire son admiration.
La cinquième édition de son recueil le plus connu "Les compensations" est précédée d'un article nécrologique de son gendre.
C'est en lisant les études de Philippe Lejeune (voir en liens amis) sur les journaux d'Azaïs que l'on peut mieux comprendre la démarche de ce "philosophe". La thèse de Michel Baude permet d'approfondir ses relations.
http://www.autopacte.org/06%20Azais%20Ecrire%20en%20marchant.pdf
J'ai aussi trouvé une lettre à la comtesse de Salvandy(*1) , dans laquelle il réclame, faute d'une place au Collège de France, au moins la souscription à son dernier ouvrage...
Paris le 14 Février 1838.
Madame,
J'ai eu l'honneur, jeudi dernier, de vous faire une demande que vous avez gracieusement accueillie. Permettez-moi de lui donner quelques développements.
Vers le mois d'octobre je priai Mr de Salvandy de fonder, en ma faveur, au Collège de France, une chaire de philosophie, je lui remis, à ce sujet, un mémoire qu'il lut en ma présence, et sur lequel il s'exprima en termes très flatteurs; il me montra ensuite combien d'obstacles s'opposaient à une fondation nouvelle; mais il m'apprit que la chaire occupée par Mr Jouffroy allait être vacante; et il eut la bienveillance d'ajouter qu'il serait satisfait de me voir sur la liste des candidats. Je fis aussitôt les démarches qui pouvaient me conduire à y être placé; j'allai voir les Professeurs; leur accueil fut honorable; presque tous me témoignèrent des intentions encourageantes; cependant le jour de la délibération, je fus écarté.
Peu de jours après, je fus également repoussé par l'académie des sciences morales et politiques, à laquelle il semble que l'opinion publique m'appelle, et à laquelle depuis qu'elle est rétablie, je me présente vainement.
J'adressai alors à Mr de Salvandy un second mémoire par lequel je le priai de transformer en chaire de philosophie au Collège de France, la chaire d'Anatomie, superflue dans cet établissement. Mr Fredéric Cuvier voulut bien se charger de remettre ce second Mémoire à Mr de Salvandy, et d'appuyer mes désirs.
Mr de Salvandy ne put les satisfaire; il m'en témoigna le regret; le 15 8bre, il m'écrivit, entièrement de sa main, une lettre flatteuse, affectueuse même, commençant par ces mots:
"J'honore, Monsieur, les travaux de toute votre vie, la pensée philosophique qui les a dirigés, le but auquel vous avez voulu marcher. Je serais heureux de vous donner la satisfaction d'exposer vos maximes dans une chaire haut placée; convaincu que la parole vive et facile d'une âme honnête et d'un esprit éclairé n'arrive pas, sans y développer des germes heureux, au cœur de la jeunesse qui les recueille ..."
Venait ensuite le détail des difficultés qui avaient retenu des dispositions si honorables. Mr de Salvandy terminait ainsi sa lettre:
..." Vous voyez donc, Monsieur, que votre vœu dépasse ma puissance. Indiquez-moi d'autres moyens de vous prouver mon respect pour vos cheveux blancs, ma considération pour votre utopie, et mon estime pour votre personne.
Salvandy.
Dans de telles expressions, Madame, je ne pouvais que puiser de douces consolations et de flatteuses espérances mais, dès ce moment, il me fut démontré que je ne devais plus demander à Mr de Salvandy que des choses qui dépendraient uniquement de sa volonté, et sur lesquelles il n'aurait à consulter personne.
Rentré dans ma solitude, j'écrivis l'ouvrage que je méditais depuis longtemps, et que j'ai eu l'honneur, Madame, de vous offrir. La pensée des frais d'impression ne me retint plus; Mr de Salvandy, me dis-je; m'aidera à les couvrir; tel sera le moyen que je lui indiquerai d'effectuer les sentiments dont il m'honore.
Mon ouvrage imprimé, je crus cependant devoir, avant de l'adresser directement à Mr de Salvandy, le lui faire connaître par votre entremise, et ensuite préparer à ma demande des appuis bien dignes de considération. J'écrivis à Mr de Salvandy une lettre par laquelle je le priai de souscrire à mon ouvrage sur les fonds de son ministère, et je portai d'avance cette lettre à plusieurs membres de l'Académie Française. Mr Droz commença par y ajouter une note conçue en termes d'affection pressante; cette note fut signée, et avec empressement, par ceux de ses collègues que Mr Droz put rencontrer, par Mr de Feletz, Jouÿ, Dupaty, Roger, Tissot, Philippe de Ségur, Pongerville, Charles Nodier, Lamartine. Mr Frédéric Cuvier, à qui je portai ma lettre ainsi fortifiée, la signa aussi, et eut la bonté d'aller la remettre lui-même à Mr de Salvandy avec un exemplaire de mon ouvrage.
Maintenant, Madame, que dois-je penser de ce que Mr de Salvandy, non seulement laisse tomber ma lettre et les recommandations de l'Académie, mais, trop manifestement, est importuné de mes désirs et de mes visites! je n'ai pu m'y méprendre jeudi dernier. A mon âge, avec mon caractère et les droits que mes travaux me donnent, on n'est point ombrageux et susceptible; mais on s'étonne et l'on s'afflige d'avoir pu devenir un être embarrassant et indésirable; la crainte seule en est bien pénible.
Votre accueil, Madame, si plein de grâce et de bienveillance, m'a rendu encore plus sensible à la contrainte de celui de Mr de Salvandy. Ses dispositions, je n'en doute pas, sont encore celles que sa lettre m'avait exprimées; je n'ai rien fait qui put les affaiblir; mais j'ai eu peut-être le tord de dire combien j'étais flatté de les avoir inspirées? Dans ma position sur la scène du monde, l'expression de ma reconnaissance à l'égard des personnes qui me prêtent appui, est de ma part un entraînement inconsidéré. Si j'étais ostensiblement soutenu par le gouvernement de mon Pays, surtout par le ministre de l'Instruction publique, les pensées auxquelles j'ai été conduit par les travaux de ma vie mettraient rapidement de l'ordre dans la science, de la raison, de la clarté dans la philosophie. Mais il est naturel, très naturel, que cette Révolution salutaire soit entravée, retardée, le plus longtemps possible, par les hommes qui cependant l'on préparée, qui m'ont fourni les moyens de l'entreprendre, mais qui, eux-mêmes, n'ont pu l'accomplir. Jamais ce qui tombe ne peut se plaire à contempler, encore moins à favoriser ce qui s'élève et qui doit le remplacer. Or des erreurs qui tombent, ce sont les hommes qui s'en sont nourris; des vérités qui s'élèvent, ce sont les hommes qui les découvrent et les expriment. Les premiers ont acquis, et légitimement la plupart , une puissance d'opinion, de position, de fortune, à l'aide de laquelle, s'ils ne sont pas très généreux, ils retiennent les autres dans l'isolement et l'indigence. Le pouvoir suprême, aux époques d'un Despotisme magnanime, tel que celui d'Auguste, de Louis XIV, de Napoléon, est bien le protecteur de tout ce qui s'annonce comme digne d'une haute destinée. Que Louis-Philippe aujourd'hui puisse, en pleine liberté, suivre l'impulsion de ses lumières, et l'Auteur de l'explication universelle de sa destiné, honoré. Mais chez le Peuple le plus mobile, et sous une forme de gouvernement dont le caractère essentiel est l'instabilité, le Roi et ses Ministres ont besoin de ménager sans cesse les hommes qui, à tord ou à raison, se sont donné une clientèle, un parti, une influence; Le vieillard pauvre, isolé, qui n'a pour lui que de la raison, du savoir, et de grandes idées nouvelles, doit être plus que délaissé.
Anathème, s'écrient les souverains pontifes de l'Eglise défaillante! que le novateur soit excommunié, qu'on lui refuse le feu et l'eau! que surtout l'on n'en fasse jamais un Professeur au Collège de France, ni un membre de l'académie des sciences morales et politiques; ce serait sonner notre agonie; la raison et la vérité marcheraient si vite!...
Telle est mon histoire, Madame. Si Mr de Salvandy connaît mes ouvrages, si seulement il a eu le loisir de lire les deux Mémoires que j'ai eu l'honneur de lui adresser, il reconnaitra que je viens de dévoiler le caractère et les motifs secrets de la réprobation que je poursuit; et il connaît trop le cœur humain pour ne pas savoir que les motifs dont on a honte sont ceux que l'on déguise le mieux et que l'on suit avec le plus de constance.
Je ne me plains de personne; ce que j'explique, je l'excuse. Seul sur la Terre, le peu d'années qui me reste s'adouciraient en silence par le sentiment profond de la justice qui, dans l'avenir, me sera rendue; je n'importunerais personne; c'est...je dois, Madame, en prononcer le mot: c'est une humiliation que je m'épargnerais. Mais je suis père de famille; j'ai six enfans; je souffre de ce qui leur manque; et lorsque j'ai fait une dépense qui augmente nos embarras de famille, j'en suis vivement affecté. En me permettant la publication de mon nouvel ouvrage, j'ai cru pouvoir compter sur le secours de Mr de Salvandy; et je n'ai rien négligé pour que cet ouvrage fut digne de l'obtenir.
Je le demande encore, en ajoutant qu'éclairé par une pénible expérience, je saurai désormais retenir dans mon cœur ma reconnaissance pour le bien que je recevrai et les honorables sentiments qui me seront témoignés. Pour être privée d'épanchement, ma reconnaissance n'en sera que plus profonde.
Je le répète, Madame, j'ai six enfans; vous êtes mère de famille; vous concevrez mon inquiétude; j'ose espérer que vous désirerez du moins que Mr de Salvandy veuille bien l'adoucir.
Agréez je vous prie, Madame,
Mes respectueux hommages.
AZAÏS
Aussi cet article dans le livre "Le Romantisme et l'Éditeur Renduel, Souvenirs et documents sur les écrivains de l'école romantique Avec lettres inédites adressés par eux à Renduel" Adolphe Jullien 1897 Fasquelle
CHAPITRE VII
AZAIS- HENRI DE LATOUCHE. ...
Un des premiers correspondants de Renduel - par ordre alphabétique - est un sage, Azaïs, le philosophe moraliste qui professa d'abord à l'Athénée, puis dans son propre jardin, sa consolante doctrine, ce système des compensations qui répondait si bien à la simplicité de ses mœurs, à la douceur de son caractère. Azaïs avait fait, en 1831, un cours d'Explication universelle à la société de civilisation, et il l'avait ensuite fait imprimer chez Levrault en autant de fascicules qu'il y avait eu de leçons. Le livre était des plus beaux: Ecole de la Vérité. Plus tard, il entrepris de donner à cet ouvrage une suite en soixante séances et autant de livraisons; dès la première leçon eut lieu le 29 janvier 1834, et la première livraison parut à la fois chez Renduel et chez l'auteur qui demeurait vers le haut du Luxembourg, dans le passage Laurette (aujourd'hui rue Bara). Pour être philosophe, Azaïs n'en avait pas moins une très haute idée de lui-même, et il le laisse assez voir dans une lettre adressée à la personne qui l'avait mis en rapport avec Renduel (vendredi, 31 janvier) :
Vous avez été témoin, mon cher ami, de l'accueil qui m'a été fait avant-hier, et de l'intérêt avec lequel j'ai été écouté. L'empressement à venir m'entendre n'a été que trop grand; en montant l'escalier je n'ai rencontré que des personnes qui s'en retournaient, n'ayant pu pénétrer dans la salle; le vestibule était encombré, et si le jeune commis de M. Renduel est venu, il a pu juger inutile de rester, puisque la table même sur laquelle il aurait pu déposer les exemplaires a été saisie, et qu'en la plaçant en face de la porte un grand nombre de jeunes gens s'y sont établis.
L'affluence ne sera pas moindre mercredi prochain. Je vous prie d'aller voir pour moi M. Renduel et de lui dire que devant développer, mercredi prochain, le sujet de ma première livraison et répondre aux objections qui me seront adressées, nous pourrons faire encore une tentative de vente; que, dans ce cas, si son jeune homme arrive vers sept heures, je lui aurai fait réserver d'avance une chaise au pied de la tribune, en sorte qu'au terme de la séance, les personnes que j'aurai excitées à me lire, auront la brochure sous les yeux et sous la main.
Si M. Renduel aime mieux suspendre la publication des livraisons suivantes, je lui propose de provoquer de suite la propagation de la première, en faisant insérer dans les journaux la note suivante :
« M. Azaïs fait, en ce moment, un Cours d'explication universelle à l'Ecole Philosophique, dont il est président.
Ce cours est suivi avec le plus vif intérêt, et la salle est loin de pouvoir contenir toutes les personnes qui désirent y assister. Pour y faire participer, autant qu'il lui est possible, celles qui ne peuvent entrer ou qui n'ont pas le loisir de s'y rendre, M. Azaïs publie chez le libraire Renduel, rue des Grands-Augustins, n° 22, une brochure de 50 pages, qui a pour titre : Idée précise de la Vérité première, et dans laquelle le professeur résume la doctrine qu'il développe devant ses auditeurs. »
Cette note, mise dans les principaux journaux, et la brochure mise en vente chez les principaux libraires, elle se répandrait ; vous savez, cher ami, l'heureux effet que l'on pourrait en attendre : elle exciterait bien des personnes à demander la publication successive des livraisons. M. Renduel, s'il recevait, en effet, un
nombre encourageant de demandes, annoncerait, comme sous presse, cette publication successive, ou, s'il le préférait, la publication du cours en bloc, par volume et sans morcellement.
Ayant encore besoin de ménagements, mon cher ami, faites-moi le plaisir d'aller ce soir chez M. Renduel : on le trouve vers cinq heures; lisez-lui ma lettre : ajoutez-y ce que vous avez vu, entendu, ce que vous pensez ; dites-lui que, n'ayant d'ardeur personnelle que pour la propagation de mes pensées, je désire que le libraire qui y concourra, non seulement ne compromette pas ses fonds, mais fasse, à l'aide de mon œuvre, d'honorables profits.
Tout à vous, mon cher ami,
Azaïs.
Dans une lettre écrite le lundi suivant, et cette fois à Renduel, Azaïs revient encore
sur ce projet de faire débiter ses brochures pendant son cours, et il le complète par
l'idée mirifique d'en faire vendre aussi pendant le cours qui précédait le sien :
« N'oubliez pas, je vous prie, que mercredi votre jeune homme devrait être dans le vestibule de la salle avant sept heures, parce que déjà alors il passera devant lui bon nombre de personnes allant prendre place et attendant pendant le cours d'un autre professeur qui se fait à cette heure-là. »
Le pauvre Azaïs se donnait-il assez de mal pour débiter sa philosophie en feuillets?
Rien n'y fit. Le premier fascicule, si fort tambouriné, se vendit mal et l'affaire en
resta là : soixante pages au lieu de soixante livraisons.
Après la phraséologie onctueuse du philosophe, la phrase cinglante et cravachante du gentilhomme.
Henri de Latouche s'était fait surtout connaître par ses travaux sur André Chénier, avant tout par les soins clairvoyants qu'il avait apportés à la publication des œuvres inédites du poète, entreprise en 1819 par les libraires Foulon et Baudoin. Il était donc tout désigné pour surveiller aussi l'édition complète de Chénier que Renduel publia en 1833, de concert avec Charpentier, et pour laquelle il avait obtenu du neveu du poète, Gabriel de Chénier, plusieurs fragments inconnus et pièces inédites. Le billet suivant de Latouche à Renduel respire le dépit rageur d'un campagnard
— Gautier l'appelle l'Ermite de la Vallée-aux-Loups — qui a fait pour rien le voyage
d'Aulnay à Paris et devra revenir le lendemain : « Il est dur de venir de la campagne
pour des épreuves et de n'être pas même averti qu'on ne les aura pas. Il est dur d'être, de neuf à dix heures, dans le magasin, à attendre le pacha, dont le domicile est tout proche et de ne trouver personne qui ose avertir Sa Hautesse qu'un simple citoyen le demande.
Et l'on parle des ministres difficiles à aborder! — Honneur aux mœurs turques !
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*1/ femme du ministre de l'instruction publique de SALVANDY, Membre de l’Académie Francaise. Le comte Narcisse Achille de Salvandy, est un homme politique et écrivain français né à Condom (Gers) le 11 juin 1795 et mort à Graveron (Eure) le 15 décembre 1856.
*2/ Toujours les "heureux" hasards des recherches: mais Jean Lucien Adolphe Jullien n'est pas le fils de Jullien de Paris, commissaire du Comité Salut Public de Robespierre et aussi directeur de l'Encyclopédie".