L'adresse officielle des éditions Govone, fondées par le Comte Giuseppe Govone, mari de Mariette Lydis, était 3 rue Frédéric Bastiat Paris 8eme, jusqu'à fin 1938. Le 10 Janvier 1939, dans une lettre à George Macy (*1) directeur du LEC (The Limited Editions Club) il l'invite à la visite de "ses presses nouvelles" situées 28, rue des Tournelles sous le nom "Les presses de l'hôtel de Sagonne, autrefois de Maurice Darantière" SARL au capital de 60000 Francs. Paris IV, ARC. 58-81.
C'est à cette adresse que travaillaient Alberto Tallone, et Erica Marx. Mariette Lydis et Erica Marx ont quitté la France le 1er Août 1939, Giuseppe Govone ne pouvait plus financer ses éditions à partir de 1937 et en avait confié la réalisation (The Beggars'Opera) à George Macy à New York. Il remet son décompte à Montherlant pour la dernière édition Govone pour "Les Jeunes Filles" le 19 juin 1939, dont seulement 16 exemplaires ont été vendus entre le 1er décembre 1938 et le 19 juin 1939. La correspondance entre Govone et Macy s'est interrompu à cette date pour ne reprendre que le 17 juin 1947 avec Mariette Lydis, à Buenos Aires au sujet d'un nouveau tirage par reproduction photographique, du "Beggard's opera" en Heritage Press.
Dans l'hebdomadaire "Beaux-Arts", nouvelle série, produit par la "Société Française d'Editions d'Art", éditions passées sous contrôle vichiste au 1er Janvier 1941, il est question du "Musée de la Demeure française" situé Hôtel de Sagonne, 28, rue des Tournelles organisant jusqu'au 19 janvier, une exposition "Portraits et souvenirs de la Malibran". A cette époque dans ses lettres à Mariette Lydis adressées de Turin, le Comte Govone lui décrit ses soucis avec Tallone et la création en Italie des éditions du Trident avec une impression par Carlo Ferrari à Venise en 1945.
Dans le numéro 2 du journal des Beaux-Arts, daté du vendredi 17 janvier, le conservateur du Musée Carnavalet (bientôt nommé administrateur du Théâtre Français) Jean-Louis Vaudoyer faisait le compte-rendu de cette exposition dans l'ancien palais de Ninon de Lenclos, sous le titre "A propos d'une exposition: La Malibran".
Une exposition de portraits et souvenirs de la Malibran vient de s'ouvrir, pour quelques jours, au musée de la Demeure Française, dans l'ancien hôtel de Sagonne.
"Dans le vieux quartier du Marais, sous les hauts plafonds peints de l'hôtel de Sagonne (que construisit Mansard), une exposition est présentement dédiée au souvenir de La Malibran. Elle est fort bien pourvue de portraits et de documents; et l'on doit remercier son organisateur, M. Darantière, l'imprimeur-mélomane, d'orienter notre souvenir, dans ces jours si sombres, vers l'un de ces êtres privilégiés qui n'ont passé sur la terre que le temps d'y former le rêve, la légende qui leur survit." (*2)
... Pourtant ce nom n'était pas le sien, ni son nom de jeune fille: Garcia; ni celui le nom de l'homme qu'elle aimait et épousa: Bériot. Malibran était le nom d'un banquier quinquagénaire (et véreux) avec lequel Marietta s'était aveuglément mariée à 17 ans, en Amérique, alors qu'elle y vagabondait à l'aventure avec son père, et près duquel elle ne vécut guère plus de deux mois.Le mari était mal choisi; mais le nom, point. Marie Garcia le garda; et il est fort possible que Musset n'eût jamais écrit pour "la Garcia" , ou pour "la Bériot", les stances qui ont en quelque sorte garanti l'immortalité de "la Malibran".
...
La Malibran doit aussi la durée de sa vie posthume à la brièveté, à la promptitude de sa vie mortelle. Elle chanta un soir à Paris, à dix-huit ans, et fut célèbre dès le matin qui suivit ce soir-là... De Naples à Londres, de Venise à Paris, de Milan à Bruxelles, elle voyageait avec un délirant pouvoir de faire pleurer les yeux et battre les cœurs. ... Aujourd'hui, la Malibran est moins un être qui a véritablement existé qu'une créature fictive: la sœur d'Ophélie, la compagne de Lorelei, l'amie d'Ariel...
[Il l'a décrit selon ses contemporains, sur son physique puis son art: ]
... Elle devait à la cruauté de ce maître furibond [son père] la faculté de pouvoir chanter sans dénaturer le timbre ni altérer le souffle, tout en versant des flots de larmes. Elle lui devait aussi l'étendue presque monstrueuse d'une voix qui allait en se jouant du sol grave du contralto au mi suraigu du soprano...
la Malibran n'était bonne que lorsqu'elle chantait avec toute son âme. .. En romantique-née, il lui fallait la fièvre, la transe nerveuse. ...Musset pleura, Lamartine pleura, le placide Gautier lui-même pleura; et mille autres pleurèrent. ..." [et finalement cite Delacroix dans son journal: ]"... Mais à ce moment-là, Delacroix le reconnaît lui-même, la Malibran était "sublime", et l'inspiration emportait tout.
*1/ Une correspondance Govone est archivée au Harry Ransom Center, de l'université du Texas [utexas.edu] Austin. Elle provient de la donation du fond privé d'abord puis institutionnel constitué par le collectionneur Carlton Clarke sur le thème: de la littérature et l'art modernes français. Un récit de sa quête se trouve dans ses "mémoires d'un archéologue littéraire" traduction française parue en 1991 chez Seghers sous le titre "Chers papiers". Je puis témoigner effectivement que s'il sont chers au cœur, il le sont aussi au portefeuille et constituent comme il l'écrit une passion fort peu raisonnable. Cette correspondance sur trois périodes: 1- archive Govone 1930-33 pour le Chant des Amazones, puis 1933 projet Grasset pour une Relève du matin illustrée. 2- archive Macy 1936-1939 Editions au LEC d'un Shakespeare illustré, Mariette est choisie pour 6 illustrations du "Love's'Labour's Losts" par Oxford University Press. 3- archive Macy 1947-1950 pour un retirage de Beggar's Opera. Dans cette dernière lettre George Macy informe Mariette à Buenos-Aires, qu'en visite à Londres il a découvert l'édition de 1940 à Winchcombe "The Turn of the screw" et évoque l'idée d'une future collaboration. (Cette collaboration aboutira mais après bien des négociations difficiles pour George Macy car Erica Marx se montra très jalouse d'un nouvel usage des gravures, et s'opposa à un simple "reprint").
*2/ Il semble clair dans cette introduction, que ce n'est pas Govone qui organisait cette manifestation, mais le propriétaire réel des lieux Maurice Darantière. Dans la dernière lettre conservée aux archives Lec, à G. Macy (le 21 avril 1939) Govone, l'invite à visiter "et celle de votre caméra cinématographique" soit ici (28 rue des Tournelles), soit à la maison (55 rue Boileau, l'appartement de Mariette où allait se perdre le colis du Directeur du LEC adressé le 22 novembre 1939 avec les "Three copies of "Love's Labours Lost", and I hope you will be pleased with the book.")