de Victor Brombert [*1] Les trains du souvenir:
Curieux de voir que le "Flaubert par lui-même" Num 4 de la collection Microcosme au Seuil, en version 1951 [*2] est écrit par La Varende puis remplacé en 1971 par une nouvelle version écrite par Brombert, je me suis procuré les 2, je trouve aussi le Flaubert de Henri James, et tout cela à partir des réflexions de Georges Normandy dans la correspondance de Flaubert et Maupassant. Je reviendrai dans un autre topic sur la description des plages normandes dans cette correspondance.
Quand on cherche sur l'auteur de la nouvelle édition, il est déjà dommage de ne pas avoir un éditorial de l'éditeur pour expliquer la raison du changement. Ensuite La Varende était prestigieux mais qui est Brombert? Dans la présentation d' Amazon, professeur de littérature française en Université américaine, mais quand on voit son parcours, émigré de la Tchécoslovaquie autrichienne en France puis l'exode et émigré aux États Unis, engagé pour la libération de l'Europe, il débarque à Omaha Beach, fait les Ardennes, et va jusqu'à Berlin. Après sa démobilisation en 1946 il reprend ses études.
Je ne pouvais passer à coté de la lecture du livre de ses mémoires. J'en extrais cette description qui me rappelle mon prof d'allemand en seconde, qui me faisait photographier les trains depuis l'amphithéâtre du lycée Colbert qui donnait sur les voies de la gare de l'est. Récent rapatrié de Constantine où il avait tout abandonné dont le réseau de train de sa jeunesse, il était terriblement nostalgique et très ému à chaque passage de train. Comme j'avais attrapé le virus de la photographie et me promenais depuis mes 11 ans avec mon box, il avait trouvé l'aide idéal.
J'ai récemment manipulé de vieux paquets de photos dont une série dont il fait partie. Je ne sais si c'est le voyage qui est à l'origine de l'émotion et du souvenir, ou le mode de transport, entre le train et la voiture, l'avion ou le bateau, les descriptions des parcours en calèche n'étaient pas moins émouvants. Mais il est vrai que mon souvenir de mon premier voyage seul à 12 ans pour rejoindre à Hanovre la famille de mon correspondant, est beaucoup plus fort que beaucoup d'autres escapades. La traversée nocturne de la Belgique, avec les lumières des passages à niveau, les gerbes d'étincelles lorsque nous longions les aciéries très animées, les conversations des employés aux arrêts en gare, tout est resté dans ma mémoire, avec des sensations que j'ai retrouvées lors de mes fréquents aller-retour lors de mon service en Foret-noire dix ans plus tard.
"Bien des fois, j'ai cherché à pénétrer le secret du tableau de Manet intitulé "Le chemin de fer" où l'on voit une fillette debout, qui regarde les rails sous le pont de l'Europe à la sortie de la gare Saint-Lazare. Les barreaux de la grille qui séparent la fillette de ce qu'elle fixe du regard ne font qu'augmenter l'énigme du tableau.. Que voit cette petite fille, elle même vue de dos? A quoi songe-t-elle, pendant que la jeune femme assise, un chiot sur les genoux et un livre entre les mains, semble interroger le spectateur du regard? Ce que la fillette voit ou cherche à voir est en grande partie voilé par des nuages de fumée blanchâtre. Est-ce l'ensemble des rails, un poste d'aiguillage, une locomotive à œil de cyclope? La petite fille désire-t-elle partir pour un grand voyage, rêve-t-elle d'une liberté indéfinie? Les barreaux à travers lesquels elle laisse couler son regard se prêteraient à un tel rêve d'évasion."
/*1 Bombert sur Wiki
/*2 Dans les lots achetés à la vente Sandelion, parmi les divers bouquins, ce petit livre, qui m'intéressait pour compléter ma documentation sur l'auteur de Mme Bovary.