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HM à JS 40 49

com

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Lettres transcrites par JS pour sa correspondance,  avec des mots clés de JS.

A partir de 1926 Jeanne Sandelion a entretenu avec Montherlant une correspondance où ils se critiquaient librement sur leurs sujets d'écriture, Jeanne faisant quantité de références à ses lectures.

Elle tint un journal (non publié), écrivit quelques nouvelles et des poèmes dont certains furent édités.

Elle a entretenu aussi une correspondance avec des amies croisées dans les rubriques courriers des lectrices de plusieurs magazines féminins.


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Paris Le 10 mars 1945
 
Chère Jeanne Sandelion,

Thoissey[*1], Paris, Nice, quelle voyageuse vous faites!
Et que devient le travail dans tout cela? Scipion l'Africain condamné pour la deuxième ou la troisième fois par un comité d'épuration, fut exilé à Literne où il ne se consacra plus, dit Tite-Live, qu'aux lettres et à l'amitié. "Je crains que vous ne donniez à l'amitié beaucoup plus qu'aux lettres".
......
Croyez toujours à mes sympathiques souvenirs.
M.


*1/  Jeanne Sandelion habitait dans la maison de ses parents à Thoissey.


 

29 mai 46

 

Je vous remercie de m’envoyer ces vers de M. Noël.

Je n’ai pas ce volume ; envoyez-le-moi un jour. Elle m’a envoyé son avant-dernier, que je n’ai pas lu, auquel je n’ai pas répondu. Celui d’avant m’avait paru faible.

 

Mais ce que vous me recopiez est très beau. C’est le seul poète vivant qui me touche. Cela vient du cœur, c’est écrit avec une simplicité racinienne (je veux dire : la simplicité de Racine quand il est grand ; hélas, il ne l’est que rarement). Et il y a de la générosité de votre part à me pousser à admirer ainsi une « consœur ». Il y a deux bonshommes de lettres aujourd’hui et ces deux bonshommes sont des femmes : Colette et elle.

 

Le très grand art ; c’est cela, la plénitude dans la simplicité. Les pièces de théâtre en 60 pages dactylo (celle que j’écrirai l’hiver prochain).

Ce qui est étonnant aussi en elle, c’est que, avec une telle simplicité, en deux vers on l’ait reconnue. Ce son à elle.

 

Et elle est presque entièrement inconnue du grand public. Et même du public catholique. Un scandale entre mille scandales.

 

Germaine Théron [*1]: un four noir. Et la pierre du tombeau sur cette vivante à la magnifique nature.

La « Première légion » que l’on joue en ce moment aux Mathurins, qui a eu 400 représentations en 1937, un four. Et c’est une très belle pièce. Quiconque aime Santiago devrait aimer cette pièce.

 

On a presque honte de son succès à soi.

….

Marie Noël est le seul écrivain au monde que je voudrais voir avant qu’il ne meure. Mais je ne prendrai pas le train, pcq « que to e lego » - « que tout est loin !» disait le vieil Andalou en montant en wagon.

 

*1/ Marie Noël Auteure de LE SECRET MERVEILLEUX, préface d'Henry de Montherlant, P. 1957 Gallimard -

http://www.marie-noel.asso.fr/    1883-1967

+21 août 47

 

Vous avez chaud ? Eh bien, moi aussi. Mais moi je n’ai pas de rivière. Je travaille très précisément de 8h du matin à Minuit et ½, avec une heure ½ pour les deux repas, aux Garçons, dans mon appartement obturé contre le soleil, nu avec un slip (ou même qq fois sans slip) et 36° dehors. J’ai gardé une puissance de travail énorme et intacte. [*1] Et il n’y a que cela qui me fasse plaisir, ça et faire l’amour. « Il y a le travail puis l’amour, puis rien » (Gobineau)

 

Où avez-vous trouvé de Boileau sur Condé : « Plus démon qu’humaine créature » ? Cela m’intéresse.

QQ détails sur « Valentin », s.v.p. J’aimerais assez lire cela.

Combien d’accord avec vous sur les journaux féminins. On me dit misogyne. Mais c’est tout le monde, en France, qui méprise la femme. (Et n’aime pas l’enfant) On fait celui qui s’intéresse à l’enfant et on désire la femme : mais d’amour, rien. Et de respect, rien.

 

La distribution des richesses est encore plus horrible, quand on songe à la facilité avec laquelle tant de gens, en ce moment, gagnent des sommes considérables. Savez-vous par exemple que le traducteur d’une pièce représentée et dont l’auteur est dans le domaine public touche autant que s’il était l’auteur ? Imaginez un acte inédit de Shakespeare ou Lopez de Vega, de 20 pages dactylo, donné en lever de rideau avec une pièce qui, Paris et tournées, fait environ 250 représentations. Le traducteur gagne environ 250 000 frs pour une traduction de 20 pages dactylo !

 

Oui, Rome ou Rimini, du 7 octobre au 15 novembre. [*2]

Mme Doumic est, je crois, morte depuis une quinzaine d’années. Si elle m’a recommandé « Elle », ça doit être par une table tournante.

 

A  vous

M.

 

notes du transcripteur:

*1/ L’été 1947 a été particulièrement chaud

*2/ Voyage en Italie à Rome avec Mathilde Pomès (voir la relation de MP dans « A Rome avec Montherlant » Paris, André Bonne, 1950)

 


23/9/47
.......
Connaissez-vous cette phrase qui serait de Joachim du Bellay (citée par D'Annunzio):

Amour désespéré de la phrase écrite pour toujours? 

Là je suis à mon affaire et cette ligne fait sur moi une véritable incantation.

 


[Copie manuscrite, non datée, au dos d’une lettre reçue donc après 31/10/47]

 

Je vous écris toutes fenêtres ouvertes sur ma terrasse toute fleurie de glycines (et on me dit qu’il neige à Paris)

 

La vie ici est facile, aucune restriction en vue. Les gens sont aimables, avec toutefois cette tendance héréditaire à  [étrangler]  l’étranger.

 

Les musées sont ouverts de 9 à 2h. Comme je ne suis venu que pour voir des antiques, j’y passe mes matinées et le reste du temps à digérer les musées et les repas.

 

Les femmes ne sont pas jolies – mais pas du tout. Les h. non plus aucune noblesse, dans ce décor où il y en a tant. Bien diff. De l’Espagne.

 

Je ne vous parle pas de vous ne sachant pas du tout ce que vous devenez. Sans doute [Chreix] a-t’il aussi commencé à [Th.]

Combien d’hivers aurons-nous encore à passer sur cette terre ?

A vous

M.


Rome

10/12/47

 

Je suis rentré il y a quinze jours, mais ne vous ai pas écrit plus tôt, trop incertain des courriers. Je me réjouis fort que vous vous soyez entendu avec Nielsen[*1] et surtout qu’il vous ait payé quelque chose, car ils ont tous des fins d’année difficiles et si j’en juge par la peine que j’ai à obtenir de lui ce qu’il me doit (pour la première fois) je pense que quelques semaines plus tard, vous pouviez vous mettre la ceinture pour l’à-valoir.

 

J’ai reçu votre lettre de Fontainebleau. Mon séjour en Italie s’est passé au mieux, aucun pépin, aucune déception. Je ne crois ni à la graphologie, ni à l’astrologie, ni à la psychanalyse, etc. Ne m’envoyez pas votre consultation graphologique : elle m’agacerait et c’est tout.

 

Les femmes romaines ne sont pas jolies. Mais le bas relief commandé par Ch. Pour P. de Beaumont[*2] est inouï. Comme on sent bien que c’est un amant qui l’a inspiré ! (Il a dû donner des détails à la fois voluptueux et macabres au sculpteur). C’est noble et obscène : du moins je le vois ainsi. J’y ai été le 4 novembre, anniversaire de la mort de Pauline ; et on dira que je ne suis pas sensible ! Je n’en fais pas tant pour les vivantes, il est vrai.

 

Bons souvenirs

M.

Notes de transcription :

1*/ Sven Nielsen , fondateur des presses de la Cité en 1944,  éditeur de Simenon à partir de 1946, à noter que Jacques Vialetay avant de fonder sa maison d’édition de luxe en 1949, était distributeur en Algérie des Presses de la Cité.

 

*2/ Sûrement François René de Châteaubriant, amant de Pauline de Beaumont rencontré en 1801.
Bas relief exécuté par Joseph Charles MARIN (1759, Paris, d. 1834, Paris)

 

1801  Publication, le 14 avril,    vendredi Saint, de Génie du Christianisme. L'ouvrage comprend également Atala et René.
1802 Début de la carrière diplomatique et politique. Il est nommé, en mai, premier secrétaire d'ambassade à Rome, auprès du cardinal Fesch, l'oncle de Bonaparte.
1803      Pauline de Beaumont, très malade qui est venue le rejoindre en octobre, meurt de la phtisie le 4 Novembre.

 

est-ce l’idée des mémoires d’outre tombe qui a inspirée à Month. De conserver ses lettres de la publication pendant 50 ans ?


 

15/11/49

Je vous ai envoyé hier ma nouvelle pièce[*1]. Vous pouvez vous en servir pour ce que vous écrivez.[*2] J'ai lu votre texte. Je trouve que le ton en est tout à fait ça. Et vous remercie des paroles bienveillantes ... ma seule objection (je veux dire celle que pourrait faire le directeur d'une collection comme les OEU.L.) est: c'est en majeure partie de la critique littéraire déguisée, ou: c'est une interview développée. En somme, malgré le ton, c'est trop sérieux, ou, si vous voulez, trop sur le plan littéraire.

J'ai donc pensé à ceci. Au moment où nous parlons des Jeunes filles, vous me rappellez (sic) discrètement la lettre anonyme dont je vous parlais il y a deux ans. Et je vous dis alors ce qui suit:
"J'ai la totalité de ma correspondance avec la jeune fille qui fut le principal modèle de Solange Dandillot 92 lettres. Les siennes originales. Les miennes mes brouillons. J'ai supprimé dans cette correspondance minutieusement tout ce qui pouvait identifier cette personne. Et j'ai fait taper cette double correspondance.

"Je tiens qu'elle fait partie de la petite histoire littéraire de ce temps: le revers de la tapisserie. Je donne la totalité de cette correspondance à Gallimard pour être publiée aussitôt après ma mort. J'y joins une lettre scellée, dont un double scellé est déposé chez un notaire, lettre qui ne devra être ouverte que dans cinquante ans, où je donne le nom; adresse, noms et adresse des parents et grands parents (le grand-père était un "homme célèbre") la jeune fille, et tout ce qui permet l'identification (noms des notaires qui furent en rapports quand nous fûmes fiancés ...etc)

"Vous en tant que femme, que pensez-vous de cela? Un éditeur lira dès maintenant ces lettres, mais qu'importe, puisqu'il est rigoureusement impossible de savoir de qui elles sont? Et quand on le saura, dans 50 ans, la jeune fille (qui avait 23 ans en 1934) en aura 88 ans si elle vit. Peu lui importera, je suppose, à ce moment, qu'on sache qu'elle a été ma maitresse (et durant qq temps, ma véritable fiancée) (D'ailleurs, je peux fixer le délai à plus de 50 ans. Tout cela n'est pas encore tout à fait au point. Ma 1ere idée était de léguer cela à un parent, avec mission de le donner à un éditeur. J'ai jugé depuis que l'intermédiaire parent était, au fond inutile.)

Bref voulez-vous m'écrire quelles sont vos réactions devant cette détermination, et cela au plus tôt car j'attends cette page pour faire taper votre manuscrit. Je l'insérerai après la page où je vous dirai ce que je viens de vous écrire ici.

L'élément anecdotique, qui manquait, se trouve ainsi somptueusement rétabli. Car cous pensez bien que si Fayard veut annoncer son n° des œuvres libres, il n'a qu'à axer la publication sur cette publication posthume qui ravira le cœur des midinettes, à la pensée que dans 50 ans, elles sauront tout de "Montherlant  fiancé". D'autant que le moment où paraîtra votre étude coïncidera sans doute avec celui où la remise de ce dossier sera faite à Gallimard, avec ou sans l'intermédiaire chez le notaire.

Bien vôtre et merci encore.

MT

...notes du transcripteur

*1/ probablement "Celles qu'on prend dans ses bras"
link ou Pasiphaé.
*2/ JS préparait un livre en 1949 "Montherlant et les femmes" qui paraitra en 1950, elle voulait se présenter comme l'une des Jeunes filles correspondante de Montherlant dans sa tétralogie de 1934-36, et se justifier.
*3/ Certainement exemple principal pour Andrée Haquebaut, avec Mathilde Pomès et Alice Poirier, Montherlant s'est défendu qu'elle soit le seul modèle, il assure ici que sa fiancée est autre (une quatrième), et en apportera un jour la preuve...



>>>>> de 50 à 60

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