Magazine mensuel, Allo-Paris entre 1933 et 1934, était une plaisante publication avec des textes d'auteurs souvent coquins, accompagnant de belles photographies de femmes souvent dénudées mais présentées par de grands noms. Livres d'actualités, sorties théâtrales faisaient l'objet de critiques enjouées. Mariette Lydis y a adressé des textes à sa façon avec gravures adaptées.
Le numéro 8 de janvier 1934, présentait la série:
"Allo-Paris est heureux de pouvoir offrir à ses lecteurs ces souvenirs de la grande artiste Mariette Lydis. Nous publierons régulièrement une de ces études, où psychologie la plus fine s'allie à la vérité la plus réaliste, sous le titre général de ":
mes modèles
On ne sait d'où elles viennent, où elles vont: gamines timides ou dessalées, grandes filles folles ou sérieuses, femmes qui font la noce ou qui travaillent pour leur enfant ;.. des femmes.
Au bout de dix minutes ou de deux heures toutes parlent, toutes se racontent, et de leur bavardage le dessin que je suis en train de tracer s'anime d'une vie plus profonde.
Je les écoute toutes avec la même attention soutenue. Des aveux sincères et des mensonges, des vices étalés et des vertus secrètes, de leurs joies et de leurs peines, des enfantillages qui durent et des désillusions trop précoces, elles révèlent, à côté de leur corps nu, leur âme profonde. Des femmes, des femmes.
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aline
Aline est une toute petite qui pourrait avoir treize ans; elle en a en réalité dix-sept et, quelque part dans une académie, elle a eu le premier prix de nu.
Une figure slave, ingénue et avertie, lisse, lisse et maquillée de rose; si lisse, si rose, si précise dans le contour, qu'elle a l'air d'une poupée japonaise. Sa grâce est faite de maladresse, sa chair est si ferme qu'elle en est toute raide, ses petites mains grasses et rouges sont chargées de bagues; Aline tient beaucoup à ses bagues.
Maintenant elle se déshabille: voici ramassée et solide, les épaules un peu étroites, mais les seins si parfaits, la peau si unie, le tout si frais que c'en est éblouissant. La tête un peu grande sur un cou large et épais lui donne un air fillette, tandis que le torse ample, le bassin, les jambes bien modelées sont déjà femme.
Elle pose silencieuse: sa figure prend une expression de bouderie gamine et méprisante, mais la vue des chocolats la ravit; elle rit et redevient une enfant très gentille.
Mais j'apprends qu'Aline n'est pas seulement modèle; elle a une autre profession: a Luna Park elle joue Le déshabillé de la Parisienne dans l'attraction qui s'appelle Le Puits de la Vérité. L'année d'avant elle était engagée dans l'autre stand: Réveillez les dormeuses! et, chaque fois qu'un joueur adroit touchait la cible, elle dégringolait de son lit dans un costume sommaire. C'est qu'Aline dans un sentiment de communisme bien compris, aime montrer aux foules son joli corps.
Puis elle raconte, simple et ingénue: "Ah, les gosses d'aujourd'hui! Hier, il y en avait trois au puits; l'aîné devait avoir quinze ans. L'un deux m'a dit: "si tu te mets à poil, je te donne cent balles". Voyez-vous ça? et il montrait son portefeuille ouvert avec au moins deux mille francs. Il doit les avoir chipés quelque part... C'est que je connais la vie, moi. Lorsque j'avais quinze ans, ma sœur, ma grande sœur a voulu me vendre à un vieux monsieur. Si ce n'est pas dégoûtant de la part d'une sœur! Et l'autre qui me promet des robes, des bijoux, de l'argent si je veux le suivre en Argentine... et il est chauve."
Un petit amoureux l'attend au coin de la rue.
Mariette Lydis.
On perçoit dans ces textes le plaisir du portrait pour Mariette Lydis. L'observation physique s'accompagnait d'un dialogue. Les témoignages reçus de personnes ayant posé chez elle pour un portrait, soit en amies soit comme simple clients ou clientes, confirment sa gentillesse, mais aussi sa rigueur, les enfants étaient impressionnés par la dame qui les croquait.
Certains ne furent jamais publiés et >> transcrites ici. >>> La suite 1, la suite 2.