Du haut du ciel, inattendue, une adorable lettre d'amour est tombée dans mon cœur.
Depuis longtemps je ne portais plus de petit papier, plié en quatre, dans ma poche. (1)
Mais celle-ci [le] méritait de m'accompagner à travers mes belles journées laborieuses, jusqu'à ce qu'elle soit absorbée, pâlie, fanée.
Tout ce qu'elle contenait de doux et de chaud s'est répandu en moi.
Inutile d'affirmer que tes paroles sont "absolument véritables" comme si le vrai ne se distinguait pas du faux, l'authentique ne se sentait pas, ne se communiquait pas par sa seule substance, sa vibration, sans poinçon, sans affirmation.
Et pourquoi serait-ce absurde?
C'est naturel.
Ce message a contribué à la journée si belle d'aujourd'hui. Comme je regrette que ni ta maman, ni toi aient été parmi ceux qui m'entouraient pour entendre avec moi une transmission à la radio, d'un quart d'heure toute consacrée à Mariette Lydis et sa maison, ses mains, sa personnalité et surtout la qualité de ses œuvres (en débutant par Joséphine).
J'en ai été très émue, reconnaissante d'avoir tenu dans ce pays si lointain, si éloigné de where I belong une si profonde appréciation. J'en ai perdu la voix au point de ne pas pouvoir répondre aux nombreux coups de téléphone.
Et tu as manqué...
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Ce tapuscrit d'une page, dans les archives, complété d'une précision de sa main "pâlie, fanée." lors d'une énième relecture puisque sa secrétaire maitrisait mal le Français.
Ce n'est pas une lettre, c'est une "note souvenir". A qui dans la pensée s'adresse-t-elle? Une fille, sa mère, en 1957 d'autres lettres sont adressées à sa nièce suicidée après une volumineuse correspondance entretenue en Allemand avec la mère, en Espagnol ou en Français avec la fille à qui elle reprochait les absences aux cours de Français qu'elle lui dispensait. Cette lettre tombée du ciel n'est-elle pas qu'une ancienne retrouvée? Il y a peut-être aussi certaines de ses élèves du cours de dessin. On suppose qu'il est question de la radio de Buenos Aires, mais si "Là ou est ma place" désignait Paris, une lettre reçue venait elle de ses parentes parisiennes les "de Sugar" Lolette dont la mère venait aussi de Hongrie?
*1 De son voyage de 1955 en compagnie de Marguerita Wallmann, nous conservons des "petits papiers" sentiments, rendez-vous, marqués de pliures fréquentes, probablement glissés sous les portes des cabines du paquebot arrivant au Havre. Une foultitude de notes adressées à Raquel Abrisqueta à Cerrito, tracées aussi au crayon de sa grande écriture traitent de tous les sujets: des visites à faire, des listes de produits à acheter, des réflexions sur leur rapports avec des hauts et des bas, parfois avec des annotations en réponse, témoignage effectifs de sincérité, encore touchants puisque l'une comme l'autre ont tenu à les conserver.