Quand Soulat-Boussus (*10) ont-ils photographié Mariette Lydis? 1926 ou 1927, mettons 1927 comme dédicacée, date où Minerva le journal féminin paraît pour la 3eme année et publie un article de sa dynamique journaliste Titaÿna dans la série "Femmes d'ailleurs et de chez nous", 1927 le numéro de septembre soit pour l'anniversaire de ses 40 ans passé le 24 Août, la photo est titrée "Un beau portrait de Mariette Lydis".
La Fontaine, épris d'une œuvre, allait questionnant ses amis: -- "Avez-vous lu Baruch? ... Avez-vous lu Baruch?"
De même, je vais, clamant à tout venant: -- "Avez-vous vu les œuvres de Mariette Lydis?"
La sauvage que je suis, (*1) bourlinguant à travers le monde en des pays sans journaux ni dancings, ignore les célébrités nouvelles de Paris.
J'allais donc à l'exposition de Mariette Lydis, sans songer. (*2) Le lendemain j'y retournai, et aussi le jour suivant. Chaque étude retrouvée comme un ami me découvrait des coins inconnus.
Hantée par le visage de ces débutantes de music-hall, je songeais qu'un croquis fouillait mieux les âmes qu'un roman de Balzac.
Ces nègres charlestonnant étaient sans commentaires, toute l'inquiétude trépidante du monde, et cette mégère aux seins gonflés, la fantaisie ironique d'une époque dénuée de sentimentalité périmée. (*3)
Je ne pouvais emporter chez moi ce Coran enluminé à la manière des anciennes miniatures persanes, et aussi les vingt planches de ce Jardin des supplices (*4) où le sang se mélange à l'or comme l'effroi à la Beauté.
En ses autres dessins, allégoriques, plus difficiles à interpréter, où la cérébralité secrète de l'être s'épanche librement sous le voile de l'indéfini.
C'est devant l'un de ces dessins, que j'entendis murmurer: "...Mais c'est tout Freud !"
Lisez la Psychanalyse, et allez voir les œuvres de Mariette Lydis. (*5)
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Mariette Lydis est viennoise divorcée d'un Grec. (*6) Elle parle toutes les langues, habite près de l'étoile: comme vous le voyez une Parisienne accomplie. (*7)
Il m'est une telle joie de découvrir chez les femmes du talent, que ma vie se contenterait de les servir.
Je songe à vous Yvonne BALDOU, créatrice et directrice d'une revue d'art, à vous, Huguette GARNIER, directrice de journal, à vous Jeanne LAURENT, décorateur, à vous, Adrienne BOLLANT aviatrice, à vous, Germaine DULAC, metteur en scène Camille DUGUET, Jeanne LANVIN, CHANEL ... à vous Andrée WORMS "as de la publicité" à vous petite joujou frêle, grand homme d'affaires, à vous toutes, toutes, qui faites la foule de celles dont on dit: "Oui..., mais c'est une exception!"
Un grand peintre, sévère en ses jugements, (*8) sortit de l'exposition de Mariette Lydis, en émettant: "C'est tout à fait très bien. Elle a un talent d'homme !"
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Mais je sais, Mariette Lydis, que vous êtes femme jusqu'au bout de vos ongles bien taillés. Vous êtes menue et frêle, soucieuse de l’élégance de la robe argent dans laquelle je vous vis pour la première fois.
Vous avez les yeux verts et des cils noirs,vous avez poussé le souci d'être féminine jusqu'au point d'avoir tenu à être jolie.
Et vous avez pour vous une jeunesse radieuse, riche d'avoir trouvé dans le présent ce que les autres n'atteignent que rarement et dans l'avenir.
TITAYNA
*1/ Titaÿna "grand reporter" depuis 1925, de 10 ans plus jeune que Mariette Lydis, part dans des raids en avion, dans les déserts, ... raconte ses aventures, on la compare à Albert Londres en "jupons". (Elle est la sœur cadette de Marie-Madeleine (Claude Salvy) et Alfred Sauvy (l'économiste statisticien).
*2/ Exposition galerie Girard du 10 au 26 juin 1926 à Paris, mais aussi le salon d'automne en Novembre 1926, raison de sa présence.
*3/ Illustrations pour "Le nègre Léonard et Maître Jean Mullin" de Mac Orlan, qui ne fut pas édité. (Décrit dans les lettres à Bontempelli).
*4/ Série pour Octave Mirbeau non édité.
*5/ C'est Marie Bonaparte grande prêtresse freudienne, qui se penchera sur les dessins de Mariette Lydis et préfacera son catalogue de New-York en 1937.
*6/ Veuve de Pachhofer Karny elle avait épousé Jean Lydis, mais mariage orthodoxe il n'était pas civil et ne nécessitait pas de "divorce", séparée de Bontempelli qui ne l’accompagnait pas à Paris en 1927 où elle était seule avec sa mère Eugénie Ronsperger, elle fréquentait alors Montparnasse: Delteil, Salmon, les surréalistes, avant de se lier à Giuseppe Govone en 1928 (correspondances ML/MB à Paul Getty 1925-1928)
*7/ Plus exactement Auteuil à partir de 1928 (178 quai d'Auteuil) et 55 rue Boileau quelle finit par pouvoir acheter dans les années 1950, mais entre 1925 et 1927 elle loge en hôtels Victoria Palace rue de Rennes, Gallic bd de Vaugirard ou rue Troyon dans le 18eme.
*8/ On peut penser à Frantz Jourdain dont la présentation figure dans le catalogue.
*10/ Studio parisien de Jean Soulat et Maurice Boussus, exerçant dans les années 1925-1928.